Le Luxe [Spécial Covid-19]

 

 

Une industrie du luxe en pleine euphorie avant la crise

Avant d’être frappé par la crise économique en 2020, le secteur du luxe a connu durant plusieurs années une expansion et un essor sans précédent. Selon l’édition 2019 du classement Global Powers of Luxury Goods réalisé par le cabinet d’audit et de conseil Deloitte, les 100 plus grandes entreprises mondiales du luxe ont engrangé la même année un chiffre d’affaires total cumulé de 247 milliards de dollars contre 217 milliards en 2018. Forte de ses grandes entreprises comme LVMH, l’Oréal, Kering, Chanel ou encore Hermès, c’est bien la France qui domine l’industrie du luxe.

Les maisons Dior et Guerlain composantes du groupe LVMH sont des fleurons du luxe français. Le directeur de la mode chez Dior en Belgique, Christophe Cormanne, souligne d’ailleurs que l’industrie du luxe est le secteur qui a connu la plus grande croissance avant mars 2020. A titre d’exemple, le secteur pèse davantage dans le PIB français que l’automobile et l’aéronautique réunis. Pour Guy de Beaugrenier, General Manager Benelux de Guerlain, la croissance exponentielle du luxe est à mettre en intime relation avec l’essor d’une clientèle asiatique et notamment chinoise. La hausse du niveau de vie chez le géant asiatique marque en effet l’avènement d’une classe aisée qui porte un grand intérêt pour le luxe occidental.

"La Chine représente le premier marché du luxe au monde" - Guy de Beaugrenier, General Manager Benelux Guerlain

 

La spécificité du marché du luxe en Belgique

La dynamique de croissance de la dernière décennie pour l’industrie du luxe a été freinée par la crise sanitaire. Comme de nombreux secteurs, le luxe a souffert de la fermeture de ses magasins physiques. L’autre coup de massue a été l’arrêt total de l’ensemble des voyages internationaux. Si, dans sa globalité, l’industrie du luxe dépend d’une clientèle internationale, le marché belge fait figure d’exception.

Marché mature, véritablement implanté depuis les années 1990, le marché belge du luxe a la spécificité de dépendre de seulement 10 à 15% d’une clientèle internationale. A titre de comparaison, la capitale voisine, Amsterdam dépend, elle, à 70% d’une clientèle internationale. Le marché belge du luxe n’est donc pas tributaire d’un tourisme international et peut compter sur sa clientèle locale."On a la chance d’être une entreprise très agile et très audacieuse", nous indique Christophe Cormanne.

Pour Christophe Cormanne, cette spécificité propre à la Belgique a permis à la maison Dior de limiter les baisses de ventes et du chiffres d’affaires au cours de l’année 2020. Par ailleurs, si la fermeture des frontières internationales a empêché la venue d’une clientèle internationale, la clientèle belge, quant à elle, contrainte de rester sur son territoire, a concentré ses achats en Belgique. L’année 2020 est une période inédite pour l’industrie du luxe qui voit apparaître une nouvelle géographie d’achats portée vers un marché local.

 

La résilience des maisons de luxe face à la crise

Sur les 9 premiers mois de 2020, LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, leader mondial des produits de luxe a vu ses ventes chuter de 21% par rapport à leur niveau de 2019. Cependant, la situation tend à s'améliorer grâce à la reprise des activités Cognac, Mode et Maroquinerie. Les conclusions du dernier rapport trimestriel de LVMH montrent que l’industrie du luxe est un pilier stable. La qualité, le savoir-faire et la renommée internationale permettent de maintenir à flot tout un secteur.

Ce regain de croissance a été en partie le fruit d’investissements vers une transition digitale. La fermeture physique des magasins n’a pas signé le glas du secteur. Les ventes sur les plateformes en ligne ont fortement augmenté et ont permis de combler en partie la perte due à la fermeture des magasins. "La révolution est clairement digitale", selon Christophe Cormanne. Chez Dior comme chez Guerlain, cette « révolution » repose sur le développement sans précédent du e-commerce, de la communication sur les réseaux sociaux et sur les sites officiels. Tout l’enjeu pour les maisons de luxe au travers de ces plateformes de ventes en ligne est de garantir une expérience haut de gamme et qualitative pour leur clientèle. Ce basculement vers le digital peut s’illustrer par l’utilisation de la réalité virtuelle et la mise en place de sites en 3D et à 360 degrés. Le client pénètre, alors, en immersion totale dans l’univers de la maison de luxe. Guy de Beaugrenier note malgré tout que si le bouleversement digital est nécessaire, il ne saurait remplacer définitivement le contact personnel et humain que peuvent offrir les boutiques : "Le luxe implique une dimension émotionnelle très forte."

Le secteur a également profité de l’accumulation d’une épargne forcée de la clientèle. La réouverture des magasins physiques, en mai dernier, a parfois rimé avec une véritable ruée en boutique. Pour faire face à la crise, la maison Dior s’est efforcée de renforcer ses liens avec sa clientèle. Mots personnalisés, création de vidéos, présentation des collections en digital et dégustation de grands champagnes sont des illustrations de ce qui a été mis en place. À la vue de la part importante dans le total de ventes des maisons, fidéliser la clientèle nationale est devenu incontournable. "Il est essentiel de conserver un lien proche avec les clients et de développer des activités en dehors de la vente", ajoute Christophe Cormanne.

 

Le luxe en route vers une transition écologique ?

Le secteur de la mode a un impact environnemental qui est loin d’être négligeable. L’industrie du luxe peut et doit enclencher une transition écologique. Ce chemin vers un luxe en adéquation avec les enjeux environnementaux peut favoriser à terme l’évolution des consciences et un changement plus global de l’industrie de la mode vers une transition écologique plus durable.

"Dior is the new green" - Christophe Cormanne, Directeur Christian Dior Couture

Dior est la première boutique au monde à obtenir le label écodynamique de Bruxelles. Détentrices avec Guerlain de la norme ISO 14001, ces maisons de luxe font figure de pionniers dans cette transition environnementale. Pour parvenir à obtenir ces certifications écologiques, Dior a développé et travaillé sur pas moins de 200 points d’amélioration. Cet engagement s’est notamment illustré au travers de la fashion Week de Paris pour la collection Printemps-Eté 2020. La maison Dior, après avoir mis en place un décor de forêt lors de son défilé, a replanté tous les arbres utilisés. Consommation électrique, traçabilité du cuir, utilisation de fibres écologiques pour les jeans, Dior a véritablement pris la marche d’un luxe plus durable.

Cette marche est tout autant empruntée par Guerlain qui travaille particulièrement sur un packaging plus durable, sur le bien-être de ses travailleurs et sur de nombreux projets internes dont la protection de la biodiversité. Les abeilles, symboles et emblèmes de la maison depuis sa création en 1828, sont en effet sujettes à un vaste plan de protection initié par la marque. "Cette préoccupation environnementale est très importante pour nous, elle fait partie des gènes de la marque", nous précise Guy de Beaugrenier.

 

Un glissement de la clientèle vers les millennials 

"D’ici 2 ou 3 ans, les millennials pèseront pour 45% de la clientèle" - Christophe Cormanne

La prise de conscience écologique des maisons de luxe est à mettre en corrélation avec une clientèle dite « millennials » qui est aujourd’hui omniprésente. Ces millennials représentent une nouvelle catégorie de clients nés entre les années 1980 et 2000. Cette tranche de personnes étant de plus en plus concernée par les enjeux environnementaux et sociétaux, elle a sans nul doute favorisé l’intérêt écologique des maisons de luxe.

Également, le rajeunissement de la clientèle oblige et pousse les maisons de luxe à être à la fois présentes et performantes sur les réseaux sociaux. Hier Instagram, aujourd’hui Tik Tok, les maisons suivent de près les tendances des millennials pour s’adapter à une nouvelle clientèle qui a de nouvelles exigences.

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